Alexandra David-Néel : entre explorations, philosophie et féminisme, le parcours initiatique d’une aventurière centenaire.

Parce que la vie d’Alexandra David-Néel se déploie sur plus d’un siècle marqué par des révolutions tant politiques, qu’économiques, sociales ou encore culturelles, elle semble de fait se poser comme le témoignage d’une période historique fondamentale. Retour sur une personnalité majeure.

Née en 1868, plus précisément le 24 Octobre, à Saint-Mandé dans le Val de Marne, la franco-belge Alexandra David-Néel (de son vrai nom Louise Eugénie Alexandrine Marie David) ne semble pas avoir une mais des vies.

Originaire d’un milieu bourgeois, elle reçoit une éducation catholique stricte avec laquelle elle cherche cependant inexorablement à rompre. C’est ainsi qu’à 17 ans, après des fugues répétées, Alexandra David-Néel répond à l’appel lancinant de soif de liberté qui brûle en elle depuis son plus jeune âge, en prenant la route jusqu’au bord du Lac Majeur. Portée par un désir insatiable de voyager, lui-même nourri par sa passion des philosophies antiques, Alexandra David Néel répond aux mises en garde de sa mère par une autre fugue, en 1886. Cette fois-ci, la fuite pédestre se substitue à celle à bicyclette, nourrissant le dessein de parcourir l’Espagne entière depuis Bruxelles, en passant par le Mont St Michel et la Côte d’Azur. Elle frappe dès lors sa conception du voyage du sceau de l’authenticité ; une authenticité retrouvée et résumée par Jacques Lanzmann, dans son ouvrage Marches et rêves : « parce qu’au lieu de traverser les choses, on les côtoie. Parce qu’au lieu de croiser les gens, on les accompagne. Parce qu’au lieu de filer à travers le pays, on file son chemin, au pas à pas. »

A 18 ans, elle décide de partir pour Paris, où elle rencontre le premier fondateur de la géographie sociale et moderne qu’est Elisée Reclus ; géographe dont elle fait dès lors son mentor. Ce dernier l’engage à s’intéresser à l’anarchisme, puis au féminisme, la conduisant ainsi à publier Pour la vie, puis de collaborer au journal féministe de Marguerite Druand, La Fronde (dont la gestion repose sur coopérative de femmes) et de participer enfin à de nombreuses réunions du Conseil national des femmes françaises ou italiennes. Partie entre temps pour Londres, elle revient en France et s’engage au sein de sociétés secrètes. Franc-maçonne, elle atteint alors le trentième degré.

C’est en 1890 qu’une rencontre bouleverse pour toujours la vie d’Alexandra David-Néel, celle de la découverte de l’Inde et du Tibet. Appelée par l’Himalaya, envoûtée par la magie de l’Inde, portée par la musique et la culture tibétaine, et renaissant à travers le bouddhisme, elle devient alors la première femme européenne à séjourner à Lhassa, après s’être déguisée et cachée au cours de nombreux périples. A son retour, son succès est tel qu’il fait l’objet d’un livre, Voyage d’une Parisienne à Lhassa, publié à Paris en 1927. Au cours de ses voyages, elle se marie avec le voyageur Philippe Néel avant de le quitter rapidement, refusant de devenir femme foyer. Elle reprend alors la route, pendant 14 ans, parcourant cette fois-ci les terres asiatiques, du Japon jusqu’à la Chine, la Mongolie, et le désert de Gobi. Elle s’établit finalement en France, dans la ville de Digne, où Alexandra David-Néel se découvre une autre passion : l’écriture. Sa maison devient, selon Raymond Brodeur, le premier ermitage et sanctuaire lamaïste de France.

Entre temps, elle exerce le dur métier de cantatrice, dans l’objectif de soutenir financièrement ses parents. Chanteuse d’opéra, elle réalise plusieurs concerts à Hanoi, en Indochine, puis à Athènes et à Paris.

En 1912, Alexandra David-Néel part pour le Sikkim, où elle rencontre son futur fils adoptif Aphur Yongden dans un monastère, décidant alors de se retirer avec lui dans une caverne située à plus de 4 000 mètres d’altitude, au nord du pays.

Puis elle parcoure l’Europe, donnant plusieurs centaines de conférences, puis réalise un autre voyage à 62 ans, depuis Moscou, où elle prend le Transsibérien dans l’objectif d’arriver au milieu de la guerre sino-japonaise. Elle traverse alors la Chine de part en part, accompagnée de son fils adoptif, avant de rentrer à Digne et de reprendre l’écriture.

A 82 ans, elle décide de camper dans les montagnes afin de s’adonner pleinement à la méditation.

A 101 ans, elle souhaite renouveler son passeport et en fait la demande à la préfecture, avant de mourir le 8 Septembre 1969. Ses cendres sont alors dispersées avec celles de son fils adoptif, dans le Gange.

La vie d’Alexandra David-Néel  a fait l’objet de réalisation de plusieurs films, ouvrages et pièces de théâtre, ainsi que la création du prix littéraire Alexandra David-Néel/Lama Yongden, et la réalisation de voyage en son honneur.

Sarah Guillemet.

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